ISLANDE 2010
Le peuple s'est révolté et a entraîné la chute du gouvernement et rejeté le sauvetage des banques privées.
Le peuple est comme un élastique, on tire...tire...tire encore, jusqu'au moment ou on lache un côté, le retour est fulgurant!
Quand tout un peuple refuse le diktat des financiers
La crise a poussé les Islandais à faire tomber
leur gouvernement et à rejeter le sauvetage des banques privées. Une
“révolution citoyenne” passée trop inaperçue, estime un
hebdomadaire portugais.
Quand la révolte populaire se manifeste, c’est pour être menée
jusqu’à son terme. C’est ce que sont en train de démontrer les
Islandais, dont le soulèvement démocratique sans précédent a entraîné la
chute du gouvernement conservateur, la mise en place d’une Constituante
et le rejet en masse du plan de sauvetage des banques.
Dès que le secteur bancaire s’est effondré, le gouvernement a décidé
de nationaliser ses trois banques privées : Kaupthing, Landsbanki (la
plus endettée) et Glitnir. Malgré tout, cela n’a pas empêché le pays de
tomber dans la récession. L’économie en banqueroute, le Fonds monétaire
international (
FMI) est entré en piste en
accordant, en novembre 2008, un prêt de 1,6 milliard d’euros échelonné
sur plusieurs années [soumis à une baisse des dépenses publiques et au
remboursement par l’Islande des fonds versés par les Etats britannique
et néerlandais à leurs clients lésés par la faillite d’Icesave, filiale
de Lands- banki]. Le peuple a refusé ce diktat et est descendu dans la
rue [voir la chronologie].
Leçon démocratique n°1
Pacifiquement, les Islandais ont commencé à se rassembler
quotidiennement devant l’Althingi [le Parlement islandais], exigeant la
démission du gouvernement conservateur de Geir H. Haarde. Leur
initiative a été couronnée de succès. A la suite d’élections anticipées,
en avril 2009, une coalition de gauche formée de l’Alliance
sociale-démocrate et de la Gauche verte est arrivée aux affaires, avec
pour Premier ministre Jóhanna Sigurdardóttir. Cette année-là, dès le
troisième trimestre, le pays est sorti de la récession.
Leçon démocratique n°2
Les clients des banques privées islandaises étaient surtout des
étrangers, majoritairement étasuniens et britanniques. A la suite de la
faillite de Landsbanki, les gouvernements britannique et néerlandais
sont entrés en action, indemnisant leurs citoyens pour un total de
3,9 milliards d’euros et planifiant le remboursement de cette somme par
l’Islande. Sauf qu’encore une fois le peuple est descendu dans la rue.
Après un premier rejet massif par référendum, en mars 2010, d’un accord
sur le remboursement de cette somme, les gouvernements islandais,
néerlandais et britannique ont revu leur copie en prévoyant un
remboursement des 3,9 milliards d’euros (12 000 euros pour chacun des
317 000 citoyens islandais) à un taux d’intérêt compris entre 3 et 3,3 %
sur trente ans [au lieu de 5,5 % sur quinze ans]. Le 16 février 2011,
le Parlement approuvait la loi, provoquant une nouvelle fois l’ire
populaire. Après plusieurs jours de protestation dans la capitale [et
une pétition signée par 40 000 citoyens], le président de l’Islande
refusait, comme en 2010, de promulguer le texte et appelait à un nouveau
référendum pour le 9 avril.
Leçon démocratique n°3
Pendant que le pays se prépare pour un nouvel exercice démocratique, les
responsables des dettes qui ont coulé les Islandais commencent à être
mis en cause – essentiellement du fait de la pression populaire sur le
gouvernement de coalition, le seul au monde, semble-t-il, prêt à
enquêter sur ces crimes financiers. Sigurdur Einarsson, ancien président
du conseil d’administration de la banque Kaupthing, en exil à Londres,
s’est dit prêt à revenir en Islande – à condition de ne pas être
emprisonné – pour aider les enquêteurs. Einarsson est suspecté de fraude
et de falsification de documents.
Mais la grande victoire populaire de ces derniers mois a été le feu
vert donné par le gouvernement à la création d’une Assemblée
constituante composée de 25 Islandais sans filiation partisane. Celle-ci
a été élue le 27 novembre 2010 parmi 522 citoyens ordinaires. La
nouvelle Constitution remplacera celle de 1944, année où la République
islandaise fut proclamée. Elle intégrera, entre autres, l’Initiative
Media [voir ci-contre], qui vise à faire du pays un lieu sûr pour les
journalistes et leurs sources. C’est en quelque sorte la leçon numéro 4
donnée au monde, alors que la révolution islandaise est en train de
passer inaperçue dans les médias internationaux.
Luciano Pavarotti & James Brown