Ecologie Radicale Information:
Les Origines de la VIE (document 2)
(Colloque international de l’AEIS - 5 et 6 février 2014)
(synthèse partielle par Françoise DUTHEIL)
Conditions d’apparition de la Vie (suite)
La formation des éléments chimiques dans l’Univers
La théorie de la nucléosynthèse interstellaire a émergé au milieu du XXème siècle.
Les étoiles massives (plus que 10 masses solaires) synthétisent durant leur évolution les éléments lourds, du Carbone au Calcium, qu’elles éjectent dans le milieu interstellaire lors de leur explosion finale en supernova. Durant l’explosion, une grande quantité des isotopes du pic du Fer (du Titane au Zirconium) est également produite.
Les étoiles intermédiaires (de 2 à 10 masses solaires) produisent d’importantes quantités d’Hélium et certains isotopes (Carbone, Azote et Oxygène) ainsi que des isotopes plus lourds que le Fer. Les vents stellaires les expulsent dans le milieu interstellaire.
Les noyaux plus lourds que le Fer sont produits lors des explosions des étoiles massives par un processus à l’origine des noyaux naturels les plus lourds (Thorium et Uranium).
Des millions d’années plus tard, de la condensation des nuages de gaz interstellaires vont naître de nouvelles étoiles enrichies en éléments lourds, ainsi que des systèmes planétaires autour d’elles.
L’environnement terrestre de la Vie
Sur Terre le passage de la matière à la Vie se fit dans l’eau, il y a environ 4,4 milliards d’années, avec la chimie du Carbone et des molécules organiques capables d’autoreproduction et d’évolution.
On pourrait définir la Terre comme « une zone habitable avec de l’eau liquide ».
La Terre a hébergé de l’eau très tôt car elle avait la bonne taille et se trouvait à la bonne distance du Soleil.
[L’eau est une denrée rare des planètes du système solaire et la Terre a eu de la chance d’en recevoir suffisamment pour que la tectonique des plaques puisse devenir son régime géodynamique et que la Vie puisse s’y développer. Les planètes du système solaire sont en général très sèches, non qu’elles aient perdu de l’eau, mais plutôt parce que la température qui régnait à cet endroit de la nébuleuse ne permettait pas la condensation des éléments les plus volatils, tel que l’eau.
Bien après la formation de la Terre et l’impact géant qui a formé la Lune, des apports astéroïdaux ont compensé ce déficit de façon très inégale d’une planète à l’autre. L’eau est une substance qui ne doit son importance qu’à son faible poids moléculaire et sa volatilité permet d’appuyer l’hypothèse d’une origine exotique de l’eau dans une phase ultime qui a noyé la Terre : il s’agit d’une pluie de matériaux en provenance de petits astéroïdes chargés d’environ 20% d’eau.
La Lune est très appauvrie en éléments volatils (Hydrogène, Oxygène, Azote) et est considérée comme un astre sec.]
L’eau est indispensable à la Vie et a des vertus exceptionnelles dues à la densité du réseau de liaisons Hydrogène. Autrement, comparée au Carbone par exemple (0,094%) ou au Silicium, l’eau devrait être un gaz à la surface de la Terre.
Sur la Terre soumise à d’intenses bombardements de météorites, l’eau et le Carbone nécessaires à la Vie, ont pu être partiellement apportés par de gros astéroïdes. La première atmosphère était riche en gaz carbonique et en eau, pauvre en méthane ; le passage à des quantités importantes d’Oxygène est dû à l’action ultérieure de la matière vivante.
On a de bons arguments pour voir les premiers indices de la Vie dans des fossiles, édifiés par des bactéries anaérobies, il y a 3,5 milliards d’années, dans les premières roches sédimentaires, encore visibles aujourd’hui. Ainsi, la Vie est apparue « relativement vite » !
Un choix doit être fait entre les différentes hypothèses concernant le lieu où la Vie est apparue : dans les cheminées hydrothermales profondes (les bactéries dans les sources thermales ont le même code génétique que nous) ? Sur des surfaces minérales (argiles ou sulfures métalliques) servant de catalyseurs ? ou encore à partir d’une soupe primordiale « prébiotique » ?
Il n’y a pas aujourd’hui de réponse unique et satisfaisante. Parfois, on ne dépasse guère le Timée ! Nous sommes dans cette situation où la multiplication des événements improbables conduit à penser que leur explication est « hors de notre portée ». Il y a un abîme entre la complexité, déjà grande, d’un génome et celle de l’être vivant. Il faudrait, au minimum, avoir bâti une cellule origine et que celle-ci se reproduise dans un environnement nourricier favorable.
On peut étendre la question de l’origine de la Vie à toutes les planètes de l’Univers accessible : si on admet l’hypothèse optimiste que cet Univers – par nature fini - se compose (simples ordres de grandeur) de 10 12 galaxies de 1012 étoiles et qu’une étoile sur 10 est capable d’avoir une planète aux conditions favorables à la Vie, on ne multiplie la probabilité de l’apparition de la Vie dans l’Univers, par rapport à l’apparition sur la seule Terre, que par 10 12+12+1 = 1025 « seulement » ; ce n’est rien par rapport aux échelles de probabilité de 10 -200 envisagées !
Notons que même les probabilités les plus fantastiquement faibles, peuvent se réaliser lorsque l’on y introduit l’infini (qu’il s’agisse d’un Univers infini où d’une infinité d’Univers possibles).
Si l’apparition de la Vie sur terre est très improbable combien plus le serait son apparition répétée. Autrement dit : tous les êtres vivants, quelles que soient leurs espèces, descendent d’un ancêtre unique.
(L’idée que la Vie viendrait directement d’autres parties de l’Univers, où la Vie était déjà installée, relève de la science-fiction).
L’origine de la Vie proprement dite
Quelles que soient les probabilités, il y a eu un instant unique et il y a un consensus pour estimer que toutes les espèces actuelles partagent la même origine : il y a eu un premier être vivant sur la Terre. Il était forcément unicellulaire, se reproduisant par division cellulaire ; il possédait l’essentiel des protéines ribosomiques communes aux 3 classes successives : les bactéries, les archées et les eucaryotes ; son code génétique était voisin du nôtre.
Il marque la première divergence majeure – il y a 3,2 à 3,5 106 ans – dans la succession des êtres vivants, généralement considérée comme ayant fait se détacher les archées des bactéries, première forme de la Vie. Le « changement évolutif majeur » est le suivant : une bactérie unicellulaire se divise en deux, la nouvelle cellule est la base des archées. Ainsi, compte tenu de l’extrême improbabilité de ce processus, le concept théorique s’incarne en un individu unique !
Les premiers êtres vivants qui ont été repérés étaient déjà dotés de structures et de mécanismes complexes, mais essentiels et communs à toute leur descendance : il nous faut donc penser qu’ils étaient nécessaires à la Vie.
La Vie est constituée d’un ensemble de macromolécules géantes dites « protéines », contenant 20 acides aminés dont l’ordre est défini par une portion (que l’on nomme gêne) de molécule géante d’acide désoxyribonucléique (ADN).
C’est l’assemblage des 20 acides aminés qui constituent la biodiversité
Aujourd’hui, l’ARN simple brin est maintenant privilégié pour un « début » car, en plus du rôle de détenteur de l’information génétique qu’il partage avec l’ADN, il a aussi des propriétés de catalyse qui ont pu permettre l’apparition des premières protéines. On admet que ces protéines ont été produites sans intervention d’un code génétique, par la formation statistique de séquences peptidiques ; elles sont peu stables ; les mécanismes qui les ont produits sont obscurs.
L’ADN est représenté par une double hélice très mince dont la forme déroulée est celle d’une échelle. La division cellulaire est la séparation de 2 brins de la double hélice.
A chaque sucre de l’un des brins correspond une base adénine/ thymine / guanine / cytosine. Les échelons de l’échelle sont constitués d’une paire adénine/thymine, et d’une paire guanine/cytosine.
1 bactérie = 1,5 106 paires de base
1 Homme = 3,5 109 paires de base
Le groupement des bases 3 par 3 (triplet) constitue un code ternaire redondant qui est le « code génétique », définissant 1 aminoacide sur 20. Multiplié par 20, il forme une protéine qui se construit progressivement.
Le génome est l’ensemble des gênes. Toutes les cellules d’un même organisme ont le même ADN dans leur noyau.
Les gênes sont groupés en chromosomes qui se transmettent de génération en génération. Les enfants peuvent recevoir 23 paires de chromosomes du père x 23 chromosomes de la mère, soit 109 combinaisons possibles. Un couple de gênes est transmis au hasard de cette probabilité à l’enfant qui de ce fait est un être entièrement nouveau.
Les gênes sont groupés en chromosomes qui se transmettent de génération en génération. Les enfants peuvent recevoir 23 paires de chromosomes du père x 23 chromosomes de la mère, soit 109 combinaisons possibles. Un couple de gênes est transmis au hasard de cette probabilité à l’enfant qui de ce fait est un être entièrement nouveau.
La division cellulaire correspond à la séparation de deux brins de la double hélice ADN, entrainant la reconstruction, élément par élément, du brin complémentaire de chacun des deux brins. L’ADN se reproduit à l’identique : il s’agit d’une molécule autoreproductrice.
Il est impensable qu’une telle macro- molécule ait pu se former par l’assemblage fortuit d’atomes de Carbone, d’Hydrogène, d’Azote, d’Oxygène et de phosphore contenus dans l’océan primitif. D’où l’hypothèse d’une molécule d’autocatalyse dont le premier réplicateur serait né il y a 4 milliard d’années. Le réplicateur se serait entouré d’une membrane pour s’isoler de son environnement (car il y a eu compétition dans l’espace entre la protodestruction par les UV et la condensation). Une évolution darwinienne complexe aurait abouti aux bactéries et algues monocellulaires il y a 3 milliards d’années.
Le continuum depuis 4 milliards d’années serait donc le suivant :
- le monde ARN, précédant le monde ADN
* les viroïdes
* les virus, biomasse la plus importante des océans (8% du génome humain provient de virus et n’est donc pas hérité de nos ancêtres vertébrés)
* la lignée cellulaire et les protéines (régulées par une série de réseaux épigénétiques)
- le monde prébiotique qui correspond à une phase d’accumulation et annonce le couplage dans le monde pré-ARN compartimenté
- la sélection naturelle :
*ARN nu
*ARN compartimenté
*virus
* lignée cellulaire
* 1ère bactérie procaryote (1 seul compartiment)
* vie interstellaire
* cellules eucaryotes
Mais quelle serait l’origine des molécules et des fonctions biologiques ?
Hypothèse 1 : la soupe prébiotique (océan primitif)
Les briques du vivant se sont formées dans l’atmosphère et se sont déposées dans l’océan primitif (vésicules, vapeur d’eau + molécules) entrainant l’explosion d’acides aminés sous l’effet d’étincelles électriques. Elles peuvent provenir de météorites contenant des composés organiques solides ;
Hypothèse 2 : les surfaces minérales, argiles ou sulfures métalliques auraient participé à la production de molécules biochimiques-clés (exemples : les réactions sur les parois volcaniques sous-marines à -11.000 m, ou bien en surface tel que dans le parc de Yellowstone.
Ces Hypothèse, 1 ou 2, sont issues de la soupe primitive.
Le professeur Pierre JOLIOT conclut magistralement ce colloque en le qualifiant de « première étape d’un projet universel ». La suite : détecter une vie extraterrestre, sera le grand enjeu du XXIème siècle.
ANNEXE I
La Chronologie de l’Univers ( -15 109 ans)
On peut la résumer ainsi, de l ‘explosion d’une étoile au gêne :
- systèmes planétaires : - 4,6 109 années
- l’eau d’abord en phase vapeur autour de la Terre, se condense et forme les océans = - 4, 4 109 années
- la terre subit un dernier gigantesque cataclysme, déluge de météorites (22 000 cratères estimés) = - 3,9 109 années
- réactions des éléments pour former les briques du vivant (bases azotées, acides nucléiques) = - 3,8 à - 3,6 109 années
- bactéries procaryotes à un seul compartiment = - 3,6 109 années
- cellules eucaryotes = - 1,6 109 années
- organismes multicellulaires = - 600 106 années
L’explosion de la biodiversité résulte des bactéries de l’eau (algues bleues) qui piègent le Carbone du Calcium. La sexualité des bactéries conduit à l’échange de matériaux génétiques an quelques millions d’années.
Le monde de l’ARN (qui aurait précédé le monde de l’ADN) serait le suivant de par la sélection naturelle :
- ARN nu
- ARN compartimenté
- Les viroïdes
- La lignée cellulaire
- La 1ère bactérie procaryote (1 seul compartiment)
- La vie interstellaire
- Les cellules eucaryotes
ANNEXE II
Quelques Références des orateurs
- OZOU Cyrille, Ecole des HE en sciences sociales, Centre Alexandre Koyré, Paris
- BERTOUT Claude, Exoplanètes, Pour la Science, dossier n°64, juillet-septembre 2009
- YOUNG Eric, Astronomie, Pour la Science n° 401, mars 2011
- BRAHIC André, extrait de « de feu et de glace », Odile Jacob 2010
- BRAHIC André, « Les enfants du Soleil », Odile Jacob
- LE SERGENT d’HENDECOURT Louis, « de l’Astrochimie à l’Astrobiologie : pour une approche méthodologique » CNRS et SFE
- BRACK André, « de l’origine de la vie sur Terre à la vie dans l’Univers », chercheur au sein du CNRS, de l’ESA et de la NASA, 2012
- BRACK André, « la vie dans l’Univers : de la chimie à l’astronomie », Cahiers Clairaut Novembre 2011
- OLLIVIER Marc, « Exoplanètes et recherche de la vie », Astronome à l’Institut d’Astrophysique Spatiale d’Orsay, 2012
- ENCRENAZ Thérèse, « du système solaire aux systèmes planétaires », Directrice de Recherche émérite au CNRS, 2013
- DERENNE Sylvie, « preuve moléculaire d’existence de la vie dans le dépôt siliceux vieux de 3,5 milliards d’années de Warrawoona », Earth and planetary Science Letter 272 (2008)
- BEN AMAR Martine, « morphogénèse et embryogénèse », professeur à l’Université Pierre et Marie Curie-Paris 6
- STAHL Alain, « Science et philosophie », 2013
- GUERIN Maryvonne, « les molécules interstellaires : de merveilleux outils », Laboratoire de Radioastronomie du LERMA (ENS)
Françoise DUTHEIL