Jusqu’en 1898, l’impératrice d’Autriche séjourne maintes fois entre Territet et Caux.
Lundi 20 février, la comtesse de Hohenembs débarque par le train de 15 h à Territet, village qui, en 1893, n’est pas encore un quartier de Montreux. La noble autrichienne arrive de Nice, s’accordant au passage un petit séjour à Genève. Fait étonnant, la comtesse, qui voyage avec 42 bagages, est accompagnée de pas moins de 16 personnes. Dont certaines de haut rang. Elle s’installe dans l’ancien Grand Hôtel et Hôtel des Alpes dans des suites réservées préalablement par un habitué des lieux, un comte de ses amis. Dans son édition du lendemain, la Gazette de Lausanne révèle que la comtesse de Hohenembs est un nom d’emprunt. Celui que prend lorsqu’elle voyage l’impératrice d’Autriche et reine de Hongrie Elisabeth de Habsbourg (née Wittelsbach). Le cinéma la popularisera soixante ans plus tard sous le pseudonyme de Sissi, interprétée par la regrettée et irremplaçable Romy Schneider.
Cette année-là, Elisabeth a 55 ans. Elle souffre de pneumonie depuis l’âge de 22 ans. Pire, la souveraine est très touchée dans son psychisme. Les drames se succèdent à la cour viennoise et dans la vie de l’épouse de François-Joseph Ier. Marquée par le décès de sa première fille, Sophie, alors qu’elle n’avait que 2 ans, l’impératrice est touchée par les tracasseries permanentes imposées par sa belle-mère. Les morts successives de son cousin préféré Louis II de Bavière (1886) et davantage encore de son fils Rodolphe à Mayerling (1889) lui portent un coup très dur. Malade, elle souffre aussi d’anémie et de névrite. Mélancolique, désormais toujours vêtue de noir, la souveraine voyage de plus en plus en Europe: Grèce, pays qu’elle adore, France et Suisse.
Promenades quotidiennes
A Territet, Elisabeth et sa suite occupent plusieurs appartements avec entrées indépendantes et terrasse particulière. La réservation porte sur un mois. La reine y restera vingt-quatre jours. Elle se lève à l’aube et se couche tôt. Ses journées sont rythmées par des promenades quotidiennes avec sa dame de compagnie et son «professeur de grec», en fait son médecin. Bonne marcheuse, qu’il vente ou qu’il pleuve, l’impératrice arpente chemins et sentiers de la Riviera ou visite Chillon. Elle se rend à Genève pour y faire des emplettes. Le 28 février, elle est à Lausanne. Après une pause au Café du Grand-Pont, elle accueille son impérial époux à la gare. Le monarque est venu se reposer une quinzaine. Des correspondants spéciaux de journaux autrichiens relatent quotidiennement leur séjour.
Le couple impérial aime à se promener à Glion, à Caux, aux Avants ou à Blonay. On le voit, dit la légende, se désaltérer à la fontaine de Veytaux. François-Joseph achète du vin à Villeneuve et à Yvorne, mais aussi des cigares à Vevey. Et puis des livres à Lausanne, avant de repartir pour Vienne. Elisabeth met, elle, le cap sur la Grèce le lendemain, via Lausanne et Gênes. Une centaine de personnes se pressent sur le quai de la gare de Territet, qui pour lui offrir un bouquet, qui pour lui prodiguer un respectueux baisemain.
Elle reçoit l’archiduc
Deux ans plus tard, l’impératrice vient passer cinq jours à Territet en provenance d’Aix-les-Bains (F). Elle prend le train pour les Rochers-de-Naye et se promène sur l’alpe. En 1897, Elisabeth demeurera cinq semaines sur la Riviera. Le 30 mars, elle reçoit la visite de son neveu l’archiduc François-Ferdinand (héritier du trône à la suite du décès de Rodolphe), lui-même assassiné à Sarajevo en 1914. Ce qui débouchera sur le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Elle fait des dons à l’Eglise catholique de Montreux, puis rentre à Vienne.
En 1898, fait nouveau, Sa Majesté effectue deux séjours en Suisse. Le premier à Territet, au printemps, le second au Grand Hôtel de Caux. Ce périple automnal lui sera fatal. Après avoir rendu visite à une amie à Genève, et s’apprêtant à regagner la Riviera en bateau avec sa seule dame de compagnie, Elisabeth est agressée près de l’embarcadère par un homme. Elle se plaint d’une douleur à la poitrine mais embarque néanmoins sur le Genève. A bord, elle fait une syncope et on décide de la ramener à terre. Elle décède trois heures plus tard. Elisabeth a été frappée par un poinçon brandi par l’anarchiste italien Luigi Lucheni.
Le souvenir des voyages de l’impératrice perdurera longtemps dans la mémoire des habitants de la Riviera. Depuis le 22 mai 1902, une statue d’elle trône dans un parc proche de l’ancien Grand Hôtel et Hôtel des Alpes de Territet.
Source: Les archives de Montreux
(24 heures)