dimanche 20 mai 2012

LE CAS DU SERGENT GRISCHA

Fichier:Bundesarchiv Bild 183-28224-0009, Berlin, Ausstellung sowjetischer Grafik.jpg

A gauche Arnold Zweig
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Le cas du sergent Grischa, un roman qui débute avec la prémisse intéressante selon laquelle quand un gouvernement fait du tort à un individu, il est alors voué à l'échec. Il lui suffit de faire du tort à un individu et il est perdu. J'ignore si le roman contenait beaucoup de philosophie pour soutenir cette prémisse, mais cette pensée m'a paru particulièrement frappante par sa justesse: faire du tort à une personne, c'est faire du tort à une personne de trop. N'est-ce pas ?

Comment pensez-vous que quelqu'un puisse apporter l'ordre public à une société s'il utilise la menace et la violence ? Il existe de meilleures méthodes. Il existe des méthodes plus efficaces.
Je veux dire qu'il y a un très grand nombre de gens bien dans ce monde qui essaient de faire marcher les choses, mais ce qui bloque le chemin de l'homme aujourd'hui, c'est l'aberration individuelle. Il faut prendre une société à raison d'un individu à la fois. La masse n'existe pas. Je me moque des lois qui ont été adoptées récemment au Kremlin, il n'existe toujours pas de masse - une masse de gens, les masses. Il n'existe pas vraiment de groupes;  il y a des rassemblements d'individus.

Et ces rassemblements d'individus ont alors l'air de coopérer ou de ne pas coopérer ou d'agir comme une entité. Mais si vous essayez de traiter cette entité, en tant que telle, sans accorder aucune attention à l'individu, vos efforts seront vains. N'est-ce pas ? L'idée de dire :  <<  Eh bien, nous travaillons pour le bien de la masse et, par conséquent, nous nous fichons de vous  >>, ça ne fonctionne pas. Après tout, qu'est-ce que la masse si ce n'est un rassemblement de   << vous  >> ?

Bon, où allez-vous trouver quelqu'un dans le monde aujourd'hui qui puisse prendre cet individu et le libérer de la violence et de la confusion qu'il a subies pendant tous les infiniment nombreux millénaires qu'il a vécus ?

Ce n'est pas que la psychanalyse et les autres pratiques du dix-neuvième siècle soient mauvaises ; elles ne sont pas mauvaises. Les gens qui les pratiques sont tout à fait sincères. Leur effort de comprendre leurs semblables reflète leur dévouement. Mais au bout de sept ans, qu'avez-vous ? Vous avez encore un patient. C'est de l'efficacité dont nous parlons maintenant. Nous ne critiquons pas quelqu'un parce qu'il essaie et ne réussit pas. Ce ne serait pas très beau joueur, n'est-ce pas ? Hein ?

Là où je veux en venir, c'est que quand on essaie de s'adresser à la vaste multitude au moyen de restrictions et de lois arbitraires en vue de soigner ses maux sociaux, on le fait parce que l'homme a oublié comment faire face à un homme. Et, en évitant de faire face à cet homme seul, il manque alors tout le monde. C'est quelque chose de tout à fait intéressant.

Vous verrez des fois une organisation ou un bateau - je parle beaucoup de bateaux parce que j'ai acquis de l'expérience avec. Vous observez ceci : une règle apparaît sur le tableau d'affichage :  <<  Jamais, à aucun moment, en aucune circonstance, nulle ne devra laisser la porte d'entrée ouverte et celui qui laissera béante la porte d'entrée se verra congédier sans ménagement !  >>

Ils destinent cette règle à toute l'organisation ? Eh bien, qui a trouvé la porte ouverte ? Un cadre. Qui a laissé la porte ouverte ? Une ou deux ou trois personnes. Alors maintenant, on va punir tout le personnel ! Et je crains que ce ne soit ainsi qu'ont pris forme le règlement du roi, le règlement de la marine américaine et tout autre ensemble de règles qui punissent, punissent, punissent, tranchent, tranchent, tranchent. Au lieu d'aller trouver celui qui a laissé la porte ouverte et de lui dire :  <<  Mon fils, vous péchâtes  >>, on peut faire face à cette chose nébuleuse appelée  <<  èquipage  >>  et le menacer d'une contrainte affreuse si jamais quelqu'un laisse à nouveau la porte ouverte. Et cela ne marche pas !

Je n'entends pas par là que les lois humaines sont impraticables ni que la société devrait être mise en pièces. De même que vous devriez toujours améliorer un individu et ne jamais le mettre en pièces, vous devriez pouvoir améliorer une société et ne pas la mettre en pièces. Vous ne pouvez pas enlever à cette société sa structure législative actuelle et en fourrer une autre à la place, juste comme ça. Et c'est ce qu'un grand nombre de réformateurs aimeraient faire. Ils disent :  <<  Toutes ces lois sont mauvaises ; nous nous en débarrasserons donc et introduirons ces lois idéales comme le code d'Hammourabi.  >>

A une époque, c'est ce qu'utilisèrent les réformateurs. Ils dirent :  <<  Nous allons faire de la société une bonne société et nous allons y arriver en arrachant un oeil pour un oeil et une dent pour une dent. Ca leur apprendra.  >>

Eh bien, ces vastes choses, ces mandats et ces arbitraires d'une vaste amplitude ne portent pas un but final de paix. Ils ne portent pas une plus grande probité parce qu'ils ont l'inconvénient de nuire à l'individu ( ouvrez les guillemets )  <<  pour le bien de la masse  >> ( fermez les guillemets )

Maintenant, voici notre problème en tant que société. Les individus dans cette sociètè sont soumis à une violence considérable au nom d'une grande humanité et chaque individu que l'on égare un peu plus au moyen de violence dégrade la société tout autant. L'empressement des gens à aider et à vivre est amputé ; il est réduit. Et qu'est-ce que la volonté de la société de survivre si ce n'est la volonté collective ou agrégée des individus de vivre ? C'est tout ce que c'est. C'est aussi simple que ça. 1958/LRH
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Roman de Zweig Arnold (Auteur)

Arnold Zweig est un écrivain allemand né en Silésie en 1887 et mort à Berlin-Est en 1968. Marqué par l'antisémitisme puis par la Première Guerre mondiale, il s'est beaucoup engagé dans le pacifisme et le sionisme. Le roman qui l'a fait connaître est Cas du sergent Grischa qui l'a aussi fait connaître à Sigmund Freud. Il a depuis entretenu avec ce dernier un lien d'amité à l'instar de celui qui liait Freud à son homonyme Stefan Zweig. L'abondante correspondance Freud - A. Zweig s'étend de 1927 à 1939. A. Zweig a aussi fait l'expérience d'une psychanalyse.

Après avoir séjourné en Israël, il s'installe à Berlin-est où il s'engage politiquement et écrit même si les libertés se restreignent de plus en plus. Ses idées pacifistes et nombre de points de vue sur des sujets de société le mettent de plus en plus en désaccord avec le communisme.

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